Atelier 1 : Game design

V33APN3 : Théorie du Game Design


Emmanuelle JACQUES
    ATELIER PAUSE PHOTO PROSE- Festival de photographie d'Arles
Théorie du Game Design Ubiquitaire


Quand Weiser propose le concept d'ordinateur « ubiquitaire » (Ubicomp, 1991), il le décrit alors comme un ordinateur qui offrirait la possibilité pour des personnes, avec un environnement augmenté par des périphériques numériques, d'avoir accès à des services et des informations où et quand elles le désirent. Il fait même la prédiction suivante : « contrairement à l’ordinateur de bureau qui focalise l’interaction sur l’excitation, le potentiel intéressant de l’informatique ubiquitaire est qu’elle s’intéresse au calme des situations d’interaction (calm computing) ». Au centre de cette idée, l’ordinateur personnel n’est plus qu’un objet de transition vers un stade plus achevé du potentiel des technologies de l’information. En entrant dans l’espace et les objets du quotidien, la technologie acquiert des interfaces tangibles. Entre l’action réalisée et la rétroaction, la distance tend à diminuer si ce n’est à disparaître. L'ordinateur devient miniature si ce n'est invisible et se met à incorporer des objets physiques, les interfaces deviennent de plus en plus « diffuses » (« pervasive ») dans l’environnement [Walther, 2005].
Différentes propositions confirment ce mouvement vers une informatique ubiquitaire : la dernière Wii U offrant un double affichage écran télévision et écran tactile. Microsoft propose la Kinect, avec des interfaces totalement invisibles sans manettes alors que Sony déplace les objets dans l’espace physique avec une manette au nez rouge. Toutes sont connectées à Internet et bénéficient de ce super-réseau pour être encore plus « diffuses ».
Ces interfaces sont nommées néo-immersives, omniprésentes, pervasives, everyware, ubiquitaires, incorporées, augmentées. Des relations fines se tissent entre l’action virtuelle (sur l’écran) et le monde physique lorsqu’il y a cohérence entre le geste réalisé et sa représentation graphique. Les espaces physiques et virtuels fusionnent alors dans un espace imaginaire. L’action semble pouvoir être pensée (et préformée) sans être directement en lien avec des sensations corporelles en contexte, les sensations peuvent aussi être imaginées, regardées ou délocalisées ; comme si le corps reconstituait alors le contexte nécessaire et s’activait sur une action à distance ou réalisée par quelqu’un d’autre [Jeannerod, 2003]. Le corps apparaît dans le jeu Wii golf, capable de simuler une action non située avec la même précision que lors de son exécution. « Il » et « je » se confondant, l’altérité et l’empathie permettent au joueur de se projeter dans l’action virtuelle. Selon Dourish (2001), pour arriver à cette fusion et diminuer les écarts de l’exécution et de l’évaluation, ces interfaces tangibles hautement incorporées demanderaient de concevoir des interactions sans jonctions visibles (« seamless »). Pourtant l’imitation est trompeuse et reproduire les gestes connus atteint ses limites lorsque la technologie vient teinter ou orienter l’action des joueurs. Les gestes gagnants n’ont alors plus rien de mimétique et demandent une connaissance gestuelle des gestes configurés par la technologie. Les boîtes à outils et modes d’essais (seamful) sont alors essentiels à la compréhension et permettent d’ajuster des gestes décontextualisés en gardant le contrôle sur l’action [Chalmer et MacColl, 2003].





Références bibliographiques :

Préambule
« Mark Weiser, the founder of ubiquitous computing » in Pervasive Computer

Introduction théorique
Jenkins Henry, cet article fut publié en anglais en 2004, « Game Design as Narrative Architecture » dans l’ouvrage de Noah Wardrip-Fruin et Pat Harrigan (dir.) First Person : New Media as Story, Performance, Game, Cambridge, MIT Pressp. 118-130.
Albinet, Marc, 2010, « Concevoir un jeu vidéo, Tout ce que vous devez savoir pour élaborer un jeu vidéo », FYP éditions.

Koster Raph, 2005, Theory of Fun, Paraglyph Press.

Salen Katie, Zimmerman Eric, 2004, Rules Of Play, Game Design Fundamentals, MIT.

Design Pervasif

Walter Bo Kampmann (2005), « Atomic Action-Molecular Experience, Theory of Pervasive Gaming », Computers in Entertainment (CIE), Volume 3 Issue 3, ACM Press.

Demeure, Alexandre, Calvary Gaëlle, 2002, «  jeu et réalité mixte : retour d'expérience », IHM.

Abstraction et métaphores

Juul, Jesper, 2007, A Certain Level of Abstraction, DIGRA conférence in Tokyo.

Doris, C.Rush,, Matthew J. Weise, 2008, «Games about LOVE and TRUST? Harnessing the Power of Metaphors for Experience Design », Sandbox Symposium 2008, Los Angeles, California, August 9–10, 2008.

Conclusion
Bleecker, J, Nova, N, « A Synchronicity design fiction for asynchronus urban computer », The Architectural League of New York.

Contacter Emmanuelle Jacques pour le choix d’articles à travailler : jacques.emmanuelle+ubiquitaire@gmail.com


                                                                   


Projet de création d’un serious game sur la base du Jeu Pause Photo Prose
Septembre 2013

Le Festival Les Rencontres d’Arles :

Les Rencontres d'Arles est un festival estival annuel de photographie fondé, en 1970, par le photographe arlésien Lucien Clergue, l'écrivain Michel Tournier et l'historien Jean-Maurice Rouquette.

Avec une programmation composée essentiellement de productions inédites, les Rencontres d’Arles ont acquis une envergure internationale. Lors de l'édition de 2013, le festival a accueilli plus de 100 000 visiteurs. Souvent produites en collaboration avec des musées et des institutions françaises et étrangères, les expositions présentées dans différents lieux patrimoniaux de la ville font l’objet d’une scénographie. Certains sites, tels que des chapelles du XIIe ou des bâtiments industriels du XIXe, sont ouverts au public pendant la durée du festival.

De nombreux photographes ont été révélés grâce aux Rencontres d’Arles, ce qui confirme l’importance du festival dans son rôle de tremplin pour la photographie et la création contemporaine.

Le programme tire sa richesse de la multiplicité des points de vue d'experts d'horizons différents (une vingtaine chaque année), et parfois un artiste se voit confier une partie de la programmation comme Martin Parr en 2004, Raymond Depardon en 2006, le couturier originaire d'Arles Christian Lacroix en 2008, ou bien Nan Goldin en 2009.

Toutes les informations sur le festival et la programmation sur www.rencontres-arles.com

Les actions pédagogiques du festival :

Les Rencontres d’Arles mènent, depuis leur création une politique dynamique liée à l’éducation et à la formation à l’image.
            Depuis 10 ans, Les Rencontres d'Arles ont développé de façon exponentielle leur offre en matière d’activités pédagogiques et proposent désormais un programme annuel.
Elles apportent à un public toujours plus nombreux et curieux, la possibilité de se former à la pratique et à la lecture de la photographie et plus largement de l’image.
            Chaque année, ce sont 10 000 élèves, 800 enseignants, 300 photographes amateurs et professionnels qui participent aux différents dispositifs.
De nombreux partenaires institutionnels, publics ou privés se sont associés au fil des ans aux Rencontres d’Arles pour faire de leur politique d’action pédagogique une priorité.

Le contact direct avec les œuvres et le développement d’une approche de création singulière sont privilégiés, suivant les évolutions les plus récentes des enjeux photographiques et éducatifs.
Plus d’information sur nos dispositifs (évènements, formations, ateliers) : site du festival, rubrique éducation.

Un outil innovant d’initiation à la lecture de la photographie : Pause Photo Prose

Conçu par Les Rencontres d’Arles dans le cadre d’une expérimentation, en concertation avec les professionnels de la photographie, de la formation et de l’animation, ce jeu a été testé par une centaine de groupes et suivi par un évaluateur externe tout au long de son élaboration.
Ce jeu d’équipe propose de se questionner sur l’origine des photographies, leur polysémie, leurs usages.
Mettre ensemble des mots sur des photos permet de sortir du simple « J’aime / j’aime pas » pour tendre vers une autonomie du regard, aiguiser son œil de citoyen, de consommateur d’image, se forger un point de vue personnel et le partager avec d’autres.
Le jeu est un véritable déclencheur d’émulation, de curiosité, d’attention et d’intelligence collective. Il fait appel aux qualités les plus variées : rapidité, observation, complicité, logique, connaissances, imagination, concentration, écoute, esprit d’équipe.










Rappel des objectifs des 3 manches du jeu plateau (pour plus de précisions, consulter les outils de la boîte) :
Manche 1 :
- Observer une photographie de manière brute, lecture immédiate
- Créer un langage commun autour d’une photo (banque de bruits, de mots, de gestes,)
- S’approprier la photographie
- Créer du lien dans le groupe
Manche 2 :
- Identifier une photo à partir des mots d’un auteur
- Prendre conscience qu’une photographie à un auteur et un photographe une « intention »
- Confronter les points de vue (pas d’intervention du maitre de jeu)
Manche 3 :
- Prendre conscience de la ou des vies d’une photo
- Différence entre le contexte de création et contexte de diffusion


L’adaptation du Jeu Pause Photo Prose en serious game pour les 12 ans et plus

Son adaptation soulève un double enjeu : passer un concept au format numérique tout en conservant son intérêt convivial et pédagogique.

Des points spécifiques sur nos intentions autour de ce projet :

1/ Son contexte de création : Les Rencontres d’Arles

-       Etre représentatif de notre festival en termes d’esprit et de contenu : outre le caractère particulier de sa programmation, un festival apporte un caractère spécifique (fête, rencontres multiples, événement, plaisir). Le fait qu’il soit localisé à Arles (lieux historiques, estival). Côté programmation notre festival est généraliste mais fut un des premiers à oser des scénographies innovantes (couleur, formats, mode d’exposition) et mettre en avant la photographie vernaculaire.
-       Etre représentatif de notre festival en termes d’image : depuis 12 ans nous menons une collaboration avec l’affichiste Michel Bouvet. Notre identité visuelle est volontairement forte et décalée. Nous souhaitons la conserver et l’enrichir à travers ce jeu. Importance de s’ancrer dans le festival et ses particularités ; faire mieux connaître le festival et pourquoi pas la ville.
-        Aborder avant tout l’image POUR l’image et non comme prétexte à parler d’autre chose même si cet exercice va développer de nombreuses compétences transversales (verbalisation, analyse, rapport à l’art, à l’histoire, la géographie, l’écologie, nos modes de vies…)
-       Pouvoir changer le corpus d’images sans refaire tout le jeu : interface administrateur pour mises à jour annuelle. A prévoir dés l’origine. Suivre l’actualité de programmation du festival.

2/ Une façon spécifique d’aborder l’image aujourd’hui : marquer un temps d’arrêt dans le flux et vivre une expérience de l’image

-       Approche de la photographie décomplexante, accessible à tous.
-                   Le Jeu doit suivre les étapes clés de la lecture d’une image et pouvoir être appliqué à tous les types d’images : observer, décrire, classer, interpréter, argumenter. Attention, nous ne sommes pas dans la grammaire de l’image et l’application de grille de lecture.
-       Créer une véritable expérience sensorielle et intellectuelle avec l’image.
-       Utiliser des compétences les plus variées (observation, vitesse, dextérité, réflexion, écoute, imagination, connaissances), faire interagir le corps,  faire appel aux différents sens.
-       Collectif : Prendre conscience  de la richesse et l’objective variété de nos façons de regarder une même image. La prise en compte des apports extérieurs, des autres, doit nous permettre d’ajuster notre propre vision et de découvrir le propos d’une photographie (« photo-graphier » : écrire avec de la lumière). Mettre en place les conditions propices à l’intelligence collective. On peut alterner temps collectif et démarche individuelle dans le jeu pour une expérience plus personnelle et intime du ressenti de la photographie ou tout simplement un temps de prise de vue.


-       Qualité du corpus d’images : variété, richesse, accessibilité, équilibre entre les usages (photo qui témoigne, qui suscite une émotion, qui prend position) plus que par photo « artistique » ou « documentaire » car les genres sont bien difficiles à scindés, une photo c’est avant tout un choix de cadre, un auteur, un contexte, observer les éléments qui peuvent modifier notre perception (juxtaposition d’un texte, un format, une autre photo à côté).
-       Le respect des œuvres des auteurs : respect de la parole et de l’intention des photographes, notion de démarche photographique à mettre en valeur (une photo s’inscrit dans une série, et plus largement un travail photographique construit au fil du temps avec une intention), notion du droit des images (respect total du droit d’auteur notamment).

Enjeux du passage au numérique


Il n’existe pas de jeu vidéo pédagogique sur la lecture des images : tout est à inventer. Comment faire passer du contenu pédagogique tout en étant ludique, mais pas simplet, répétitif, rébarbatif ou lassant ? Ce projet est l’occasion de réfléchir à de nouveaux modes de jouabilité.

-          Utilisation au maximum des outils et fonctionnalités d’une tablette : accéléromètre, gyroscope, outils de géolocalisation, capteur de luminosité, reconnaissance de forme, capteur infrarouge, micro, camera, connexion Wifi… Explorer les possibilités offertes par le support tactile hors du simple « cliquer/glisser ». La notion de manipulation physique, de contact avec l’image est importante.

-          Possibilité d’utiliser le jeu avec une ou plusieurs tablettes. Exploiter la notion de réseau : connexion des joueurs d’une même partie sur un serveur, suivi en temps réel des activités sur les tablettes connectées, intervention en simultané sur un même élément depuis plusieurs tablettes, possibilité, au sein d’une même partie, d’avoir des contenus différents sur chaque tablette… Possibilité de créer des tournois entre des équipes qui ne sont physiquement pas ensemble.

-          Exploiter, toujours sur l’idée de réseau, les ressources en ligne. Mixer données textuelles, vidéos, son, animations. Offrir, une fois la partie terminée, des possibilités de prolongement.

-          Modules de jeu : contrairement aux images sur carte, la tablette permet d’interagir avec les images. Les outils de la tablette permettent de modifier voire créer du contenu. La création de petits modules de jeux, qui viendraient se greffer sur le scénario de la partie, permettraient de mettre immédiatement en pratique des notions précédemment abordées et de renforcer l’apprentissage.

-          Niveaux de jeu : le jeu est amené à être utilisé dans différents cadres : famille, collège, lycée... Le public est à chaque fois différent et a différents niveaux d’approche de l’image : le jeu doit mettre en place ces différents niveaux de jeu et permettre de s’adapter à tous les joueurs, quel que soit leur niveau. La structure du jeu doit être souple, flexible, adaptable.

-          Contextes de jeu et accompagnement du joueur : le jeu peut être utilisé dans le cadre d’une partie pour le plaisir, pour expérimenter, dans un cadre décontracté ou familial, mais aussi dans un cadre plus proche du jeu de plateau, avec l’intervention d’un médiateur de jeu (l’enseignant, l’animateur, le photographe intervenant). La question de l’accompagnement reste ouverte : quelle place laisser à l’accompagnateur/médiateur de jeu ? Comment faire en sorte que la partie soit dynamique, avec un contenu flexible qui s’adapte aux réactions des joueurs lorsqu’il n’y a pas de médiateur de jeu ? Comment solliciter le joueur et amener le contenu pédagogique dans les deux cas ? Comment l’accompagner au fil de la partie ?

-          Question de la bonne réponse : le jeu plateau fonctionne sur un système de points. Difficile d’attribuer une réponse binaire avec l’image sans la réduire. Après de multiples tâtonnements des ressorts adaptés ont été trouvés sur le jeu de plateau. Changement de support = changement de manière de jouer. Que devient le score ? Comment motiver le joueur pour aller au bout de la partie ? système de jauge ? Pas de comptage de point ou de vie (cf : Ico, Portal) ? Quel ressort de jeu mettre en place (compétitivité, prise à partie dans une narration, lien sensible avec les images proposées) ?

À ÉVITER : effet « jeu de couloir » où l’on attend une bonne réponse, jeu austère.
Ecran qui serait un isoloir derrière lequel le joueur se referme

2/ Interface

Le jeu plateau est basé sur les échanges entre les joueurs, et avec le maitre de jeu. Le recours à un écran met ce rapport humain à distance. Il est important que l’interface permette de recréer du lien entre les protagonistes du jeu, de générer une temporalité et de hiérarchiser des informations  amenées par le maitre de jeu.

-          Hiérarchie de l’information : les informations délivrées tout au long du jeu doivent être lisibles, facilement identifiables et mémorisables. Le chemin d’accès aux ressources (Médiathèque, vidéos, textes) doit également être très simple.

-          Gestion des ressources : accès souple à des ressources annexes (médiathèque), soit par le médiateur de jeu via une interface spécifique, soit par les joueurs qui souhaiteraient un approfondissement, une précision. Le passage de la phase « jeu » à la phase « ressources » doit marquer un temps différent tout en étant fluide.

-          Les articulations, changements d’écran et d’animations doivent véhiculer une impression de dynamisme, rythmer la partie ; permettre de rassembler les différents joueurs autour du temps de la mise en commun de l’information.

-          Création d’une interface administrateur pour nous permettre de changer le corpus d’image chaque année.

À ÉVITER : interface type « examen du code de la route »

3 / Statut de l’image
-          Récupérer les images éventuellement produites (package « séance de jeu » avec toutes les productions d’une séance envoyées à une ou plusieurs adresses mail par exemple). Les éléments produits lors d’une séance restent dans le cadre de cette séance (pas de mise en ligne en accès libre).

-          Questionner notre rapport aux images numériques : dans le format plateau, les images existent matériellement sous la forme de cartes. Dans le jeu vidéo, ces images changent de statut et sont dématérialisées. Le joueur doit être sorti de ses habitudes de consommation d’images (grilles d’images sur Internet, zapping d’une image à l’autre) afin de prendre du recul, d’avoir conscience du statut spécifique de l’image numérique et finalement de prendre conscience de l’existence, de la matérialité de l’image en tant que telle.
Jouer sur l’idée du flux (inhérent à notre pratique du numérique) en conservant une interaction fluide avec la tablette, tout en instaurant l’arrêt sur image, (im)poser un temps de regard, de réflexion, de transmission pédagogique et de mise à distance des habitudes et préjugés. L’image doit garder un statut privilégié.

-          Sensibilisation à l’image : il est important que les joueurs soient sensibilisés aux questions de droits à l’image. Chaque photographie et chaque photographe doit être valorisé et contextualisé afin de rappeler aux joueurs les notions de respect des œuvres.

À ÉVITER : que les images, par le passage au numérique, perdent leur valeur. Renvoyer à des codes de présentation et de pratique de « zapping ».




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